Nos quelques pages sur la Résistance n'ont pas l'ambition de constituer une référence sur le sujet où la période. Notre seul souhait est qu'il vous soit agréable de les lire.
En mai 1942, Boris Fourcaud, Gaston Defferre et André Boyer proposent à Londres la création d'un organisme unique qui regrouperait les mouvements mais également des partis politiques et les syndicats. Cette idée est soumise à Jean Moulin en juin 1942. Mais il y est tout d'abord opposé, car en cette période il consacre toute son énergie de persuasion auprès des chefs de mouvements pour réaliser leur union derrière le général de Gaulle, et il ne juge pas opportune l'intrusion des anciens partis politique dans ces négociations. Les trois hommes ne se découragent pas et ils rencontrent à nouveau Jean Moulin le 11 décembre 1942. Cette fois, Moulin se rallie à leur avis. Il comprend que cela pourrait donner à de Gaulle une assise nouvelle bien utile face aux alliés qui l'ont superbement ignoré dans la préparation du débarquement du 8 novembre 1942 en Afrique du Nord. Le 14 décembre il envoie un message au général de Gaulle lui proposant de créer un Conseil de la Résistance.
En cette fin 1942, début 1943, Jean Moulin à l'intention de retourner à Londres. Par ailleurs, l'Armée Secrète vient d'être créée et il est urgent que le général Charles Delestraint qui la commande rencontre l'état-major allié. Les aléas des liaisons aériennes vont retarder leur départ, et c'est finalement le 13 février 1943 qu'ils décollent pour Londres.
À Londres, le général Delestraint peut travailler utilement avec les chefs alliés, notamment le général Brooke, le général Ismay, l'amiral Stark, qui reconnaissent en lui un de leurs Pairs. Ainsi, l'action de l'Armée Secrète sera, autant que possible, intégrée aux plans du débarquement.
Concernant Jean Moulin, voici comment le général de Gaulle évoque cette rencontre :
Je le revoyais, devenu impressionnant de conviction et d'autorité, conscient que ses jours étaient comptés, mais résolu à accomplir, avant de disparaître, sa tâche d'unification.
Le général de Gaulle le nomme membre du Comité national français et lui remet, dans le salon de sa maison d'Hampstead, au cours d'une cérémonie intime et émouvante, la Croix de la Libération qu'il lui avait décernée par message radio en novembre 1942.
Dans un document du 21 février 1943, Jean Moulin se voit confier la mission qu'il était venu chercher, celle de créer le Conseil de la Résistance où siégeront les représentants de tous les mouvements des deux zones, de tous les partis politiques et des deux centrales syndicales, et dont il devra assurer la présidence. L'ordre de mission que lui remet le Général en définit précisément la composition, le rôle et les rapports qui le lieront au Comité national français. Pour qu'il puisse mener à bien cette mission, il en fait son représentant unique et permanent, ce qui lui confère autorité supérieure, sur l'ensemble du territoire français, zone nord et zone sud.
Jean Moulin et le général Delestraint reviennent en France en compagnie de Christian Pineau, par une opération aérienne montée par le réseau Phalanx. Ils sont déposés par un Lysander en bord de Loire, sur la commune de Melay. Une camionnette qui les attend les conduit dans une ferme d'où ils prennent, le jour même, un autocar pour Mâcon, puis le train pour Lyon.
Le colonel Passy (alias Arquebuse) et Pierre Brossolette (alias Brumaire) avaient pris l'initiative d'une mission en France, recenser les mouvements de la zone nord et essayer d'y séparer les réseaux de renseignement de ceux d'action. Pierre Meunier dira que c'était en gros l'action que Jean Moulin lui avait confiée en collaboration avec Henri Manhès et Robert Chambeiron. De fait, depuis 1942, les collaborateurs de Jean Moulin avaient bien un contact avec les mouvements de zone nord, sauf sans doute avec l'O.C.M. Organisation Civile et Militaire) qui avait un contact direct avec Londres par l'intermédiaire du colonel Rémy.
À son retour de Londres, Jean Moulin reprend contact à Paris avec Pierre Brossolette. Ils se heurtent sur deux points :
Fort de l'ordre de mission que lui a confié le général de Gaulle, Jean Moulin s'impose et commence à rencontrer les chefs de partis pour leur proposer un siège au Conseil de la Résistance. Les obstacles s'accumulent, mais Jean Moulin fait face et, avec ses proches collaborateurs, les surmonte un à un. Il multiplie les voyages entre Lyon et Paris, dépense une énergie folle, et petit à petit la liste de ceux qui feront partie du Conseil prend forme.
Dès le 8 mai 1943, Jean Moulin fait envoyer un message au général de Gaulle annonçant la création du Conseil de la Résistance, précisant qu'il se réunira prochainement. Cette première réunion est prévue pour le 25 mai. Georges Bidault rédige le texte devant être approuvé par tous. Pierre Meunier se charge de l'organisation matérielle. L'appartement de René Corbin, au 48 de la rue du Four est prêt à accueillir tout le monde. Un dernier grain de sable va se glisser dans cette organisation : la personne pressentie pour représenter la Fédération Républicaine, refuse de siéger et, le 23 mai, il manque encore un membre au Conseil de la Résistance. Jean Moulin insiste pour qu'un remplaçant soit trouvé. La réunion est déplacée au 27 mai en début d'après-midi. Le texte rédigé par Georges Bidault est voté à l'unanimité. Les communistes ont bien essayé d'amender le texte, mais Jean Moulin a su tuer dans l'œuf cette tentative. Pour que l'unanimité obtenue ne soit pas remise en question par des discussions nouvelles, et aussi bien sûr pour des raisons de sécurité, il clôture rapidement la séance.
Outre Jean Moulin qui préside la réunion, les participants sont :
La naissance du Conseil de la Résistance est la preuve que la France est tout entière derrière le général de Gaulle. Ainsi, grâce à Jean Moulin, le général de Gaulle va prendre l'ascendant sur le général Giraud et devenir l'interlocuteur privilégié des Alliés. La France sera dès lors considérée comme un allié à part entière et sera, le 8 mai 1945, à la table des vainqueurs. Cela lui évitera, comme cela était prévu et déjà largement organisé, d'être administrée par d'autres nations.
Comme le dira beaucoup plus tard un jeune lycéen, avec des mots naïfs et émouvants : « C'est Jean Moulin qui a gagné ! ».